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Le
principe de Peter.
ribouldingue
19/03/2003 20:28
"Si
on appliquait le principe
de Peter au domaine politique
en plus du domaine économique
pour lequel il a été
défini.
"Nous pouvons légitimement
de nous poser la question au
sujet de Bush
comme de Chirac, de savoir,
selon le principe de Peter s'ils
n'ont atteint pas
leur niveau d'incompétence.
"Tous les deux en s'enfermant,
en faisant une sorte d'autisme,
ne faisaient en réalité que
renforcer la détermination
de l'autre.
"Il est d'ailleurs frappant
de constater que tous les deux
ont été, chacun à sa
façon mal élu.
"-Bush après maints
et maints décomptes
de voix.
"-Chirac après
une élèction
pour le moins bizarre dans
laquelle d'un score de
19 % il passe au second tour à 82
%.
"Sans
véritable débat.
"Peut être que ces élèctions
tronquées pour l'un comme
pour l'autre les
obligent à rechercher
ailleurs une autre légitimité.
"Toujours est il qu'ils
ont atteint l'un comme l'autre
leur niveau
d'incompétence au
constat que nous établissons
déjà au niveau
de la
casse des institutions
internationales et
de l'Europe."
Le
principe de Peter incarné en politique,
l'ascension d'un nul, la consécration
d'un incompétent.
Une semaine de sursis
Un sursis ! La France aura,
au moins, obtenu un sursis,
en parvenant à bloquer,
au Conseil de sécurité de
l'ONU, la résolution anglo-américaine
valant feu vert donné au
déclenchement des hostilités
contre l'Irak.
Les Etats-Unis, en l'occurrence,
ne se sont pas heurtés
au seul veto de la France et
de la Russie, mais aussi à l'hostilité des
six pays, dits indécis,
qui ont tous refusé la
logique de l'ultimatum c'est-à-dire
de l'automaticité de la
guerre. La Grande-Bretagne a
alors, esquissé une manoeuvre,
stupide en vérité:
décliner six tests de
la bonne volonté de l'Irak,
dont l'un consistait à exiger
de Saddam Hussein qu'il reconnaisse, à la
télévision avoir
toujours menti et détenir
des masses d'armements de destruction
massive !
En fonction de quoi, compte tenu
de l'aveu, on aurait eu raison
de lui faire la guerre. En fait,
de quoi s'agit-il ? Les Etats-Unis
ont de toute façon décidé de
passer à l'offensive.
Mais pour maintenu la fiction
d'une «coalition»,
c'est-à-dire garder à leur
côté la Grande-Bretagne
et l'Espagne (et la pauvre Bulgarie),
il leur faut bidouiller l'apparence
d'une légalité internationale.
Les «indécis»,
eux, se disent prêts à adopter
un texte qui forcerait l'Irak à désarmer
totalement, quitte à lui
mettre un couteau sous la gorge.
Autrement dit, un texte qui permettrait à la
fois de contraindre Saddam et
de sauver la paix.
Or, justement, George Bush ne
veut, sous aucun prétexte,
s'engager dans un processus qui
empêcherait la guerre en
contraignant Saddam. D'où sa
colère, qui se retourne
contre la France devenue bouc émissaire.
Laquelle se retrouve du coup
chargée de tous les péchés
du monde... Vous avez dit antiaméricanisme
?
Un «grand con», disaient-ils...
Les énoncés assassins,
il suffit de les collecter, tous
vipérins, pour se remémorer à quel
point Chirac provoque le mépris,
mépris de droite d'abord,
mais qui a gagné la gauche,
et davantage encore dans son
camp que chez l'adversaire. «Il
va falloir aider ce brave garçon», raille
par exemple en une humiliante
formule le si intelligent Valéry
Giscard d'Estaing. Mais que dire
de «l'autre débile», signé Philippe
Séguin ? Ou du «fantôme
de l'Elysée», façon
Charles Pasqua ? Comment ne pas
méditer l'anathème
lancé par Jean-Pierre
Chevènement: «Je
suis sidéré par
la médiocrité de
Chirac.» Chirac les
stupéfie, les obsède,
les enrage même. Tel Edouard
Balladur, qui n'a jamais accepté sa
défaite, celle de l'intelligence
raffinée devant la force
triviale, la démagogie
brute. Il avait pourtant tout
pesé, tout calculé,
tout prévu.
Comme, sept années plus
tard, son successeur à Matignon,
Lionel Jospin, égaré lui
aussi, par un identique aveuglement.
L'aveuglement des élites.
Les meilleurs esprits n'ont pas
eu de doutes, ou si peu, devant
ce type-là, toisé toujours
au plus petit, au médiocre,
au vulgaire même, tant
Chirac leur paraît incongru
dans ces hauteurs auxquelles
ils prétendent. Et qu'ils
annexent. Un «con»,
un «grand con», puisque à cette
indignité-là ils
l'ont, à droite d'abord, à gauche
ensuite, sans cesse rabaissé.
Tous d'accord sur ce point au
moins: un «grand con» illégitime.
Chirac ? Le principe de Peter
incarné en politique,
l'ascension d'un nul, la consécration
d'un incompétent. Et donc,
le jour venu, son inéluctable
destitution.
Cette fois, l'affaire était
réglée. Il serait
balayé, enfin, à l'occasion
de l'élection présidentielle
de 2002. Le microcosme tenait
sa revanche. Olivier Schrameck,
le si raffiné et très
influent directeur de cabinet
du Premier ministre Lionel Jospin,
nous fit un jour cette étonnante
confidence, tellement symptomatique
d'un état d'esprit: «Chirac
? Peut-être, sous une magnifique
apparence, est-ce un meuble bouffé par
les termites. Il tombera en poussière
quand Lionel Jospin le secouera,
qu'il en éprouvera la
solidité. Peut-être...» Et
Schrameck de se ressaisir aussitôt,
coupable à ses yeux de
dédaigner l'adversaire à visage
trop découvert: «Mais
je ne sous-estime pas ses capacités
de rebond. Chirac, c'est un fauve.
Sinon, il n'aurait pas traversé toutes
ces épreuves. Il ne manque
pas de ressort, d'aplomb.» Pertinentes
remarques. Mais si révélatrices
tout de même d'une absence
complète d'estime. Les
qualités chiraquiennes
ne seraient qu'animales, certainement
pas intellectuelles. Comme le
dit un ministre... de droite: «Chirac
a le cerveau reptilien plus développé que
la moyenne.» L'autre
partie de l'intellect ? Envolée
quelque part dans ses jeunes
années, ou dévorée
plus probablement par sa moitié reptile.
Le président candidat
n'était plus qu'une bête
politique dangereuse, un animal
venimeux, à en croire
le premier secrétaire
du PS, François Hollande,
ou le président des députés
socialistes, Jean-Marc Ayrault.
Dans leurs esprits, Chirac n'était
qu'un «menteur», «un
cynique absolu doublé d'un
incompétent», «un
malhonnête évident,
outrageusement maquillé en
hâbleur», «un
tout petit président sans
bilan», «un adversaire
dangereux, car sans morale». Quel
tableau ! On pourrait se moquer, a
posteriori, de jugements
si caricaturaux. La complexité,
la profondeur du personnage,
ses forces, et ses faiblesses
mêmes qui le rendent si
populaire, cela leur échappait.
Chirac n'était qu'un «con
dangereux», un faux
sympathique. L'appréciation,
généralisée
chez les jospinistes, était
confondante de simplisme. [...]
Il serait aisé d'avoir
la cruauté - tant la victoire
emporte les réticences
et modifie les jugements - de
se livrer au petit jeu des phrases
assassines, des jugements à l'emporte-pièce,
des condamnations définitives.
Chirac, parmi les gens de son
monde, provoque si souvent mésestime
et incompréhension...
Ainsi, ce témoignage de
François Bayrou, d'autant
plus étonnant que le président
de l'UDF n'éprouve nulle
aversion envers le chef de l'Etat.
Juste un dissentiment. «Pour
Chirac, explique-t-il, la
politique ce n'est pas les idées.
Un jour, nous avons vraiment
parlé, il était
Premier ministre. Ce sera la
seule fois. Je me souviens de
ses paroles, dans le moindre
détail: «T'emmerdes
pas avec les idées. Un
chef de gouvernement, c'est fait
pour que ça n'aille pas
trop mal, et un président
pour représenter la France.» Cette
conception est étrangère à mon
univers. Je comprenais de Gaulle,
je comprenais Mitterrand, Chirac,
lui, reste un mystère.» Un
mystère jamais éclairci,
au point d'en obséder
l'univers politique [...]. En
témoigne cette confidence
du socialiste Jean-Luc Mélenchon,
alors ministre: «Je
ne prends pas Chirac au sérieux.
Ce clown tente de singer Mitterrand.
C'est Gaston Lagaffe président.
La France n'a pas besoin à sa
tête d'un grand-père
rassurant» [...].
On le moquait aussi chez lui,
ce président soliveau,
si sot qu'il avait rendu le pouvoir
presque aussitôt après
l'avoir gagné. Combien
de chiraquiens nous ont confié des
propos ironiques, moqueurs, assassins à son
encontre. Il n'en est quasiment
pas un qui ne se soit permis
au moins une plaisanterie. Ou
qui, même inconsciemment,
tel Alain Juppé, le fils
chéri, n'ait pas glissé,
avec affection, dans une dévalorisation
de son père politique: «Chirac
me dit souvent: «Vous me
ressemblez en plus intelligent.» Je
lui rétorque: «Je
vous ressemble en moins charismatique.» A
aucun moment, l'ancien Premier
ministre ne songe défendre
même par gentillesse ou
convenance filiale l'intelligence
politique de son patron. Il est établi
qu'il est plus intelligent que
le président. Sentiment
de supériorité très
juppéiste, mais partagé peu
ou prou par tant de fidèles
chiraquiens, tous persuadés
d'être en mesure de l'influencer,
de pouvoir façonner de
leurs mains cette espèce
de pâte molle, sans structure
vertébrale, sans consistance
spirituelle [...].
Entre le mépris réflexe
des gens de droite et la condescendance
de gauche, régnait un
unanimisme sans faille. Au socialiste
Aquilino Morelle, influent conseiller
politique du Premier ministre
Jospin, nous laisserons le mot
de la fin: «Chirac
? Incontestablement le plus nul
des présidents de la Ve
République.»
Tout est-il dit pourtant ? [...]
«Qu'avait-il besoin de se faire passer pour analphabète
?» s'interroge
encore maintenant son sage conseiller politique Maurice Ulrich [...].
Chirac le sommaire a ainsi fabriqué lui-même
de l'antichiraquisme à profusion.
Le reniement des promesses érigé en
morale politique, la volatilité des
convictions en dogme, l'absence
de hauteur en horizon indépassable,
les idéologies en mal
absolu, la proximité en
mystique... A force de faire
le con, Chirac a paru se prendre
au jeu. La dissolution de 1997
représente l'exemple même
de la «couillonnade» commise
par le «Grand Con» qui
veut en imposer, par surprise, à ceux
qui le prennent pour tel. Son échec
piteux ravivait d'un coup toutes
les couleurs de sa caricature,
inscrivait dans la tête
des élites, comme dans
du marbre, la certitude absolue
de son imbécillité.
Son procès était
instruit une fois pour toutes,
et le verdict prononcé.
Sans circonstances atténuantes.
Sa «connerie» le
délégitimait. Elle
lui déniait, aux yeux
des intelligents, toute majesté,
et même toute autorité présidentielle.
A tout jamais [...].
«L'univers politique tout entier continue à le mésestimer, résume
sans détour le ministre des Libertés locales, Patrick Devedjian. Cette
posture lui convient. Mitterrand faisait semblant de mourir. Chirac, lui, fait
semblant d'être bête. Ça lui permet de ne pas dévoiler
son jeu.» Parce que Chirac - seuls les vrais crétins, et
il n'en manque pas en politique, ne l'ont pas compris - a mené la partie
d'une main de maître. Avec, en point d'orgue, sa spécialité,
la rouerie du madré: «Je ne suis qu'un pauvre politicien de
terroir.» C'est la version chiraquienne du «J'suis qu'un
pauvre paysan» de Fernand Raynaud. Suffisamment futé, l'élu
corrézien, pour saisir que l'intelligence était de paraître
de ne point trop en avoir. L'élection, quelle qu'elle soit, ce n'est
pas la version adulte du concours général. Il faut, pour ces
compétitions-là, des qualités intellectuelles, certes,
mais également humaines, physiques, psychologiques, guerrières.
Et pour commencer de l'humilité, réelle ou feinte peu importe.
Ce qui compte ? Mystifier l'ennemi, le présomptueux, celui qui s'y croit...
Le trompe-couillon est un art dont Chirac est devenu le maître, et dont
il jouit. Il faut le voir raconter, en s'esclaffant, ce sketch: «A
la sortie de l'église de Bormes-les-Mimosas, voilà qu'un type
me lance: «Connard...»». Le président rit à gorge
déployée: «Et moi, je lui réplique: «Enchanté,
moi, c'est Chirac.»» [...]
«C'est que les pseudo-spécialistes de la politique ne comprennent
pas grand-chose aux Français, affirme le Premier ministre, Jean-Pierre
Raffarin. Ils ont été incapables de percevoir un phénomène
unique: Chirac a fait éclater les limites du rationalisme à la
française. Il vit le pouvoir comme une liberté, et non pas comme
une aliénation. On lui reproche volontiers ses lignes brisées.
Quelle erreur ! Grâce à elles, il est devenu lui-même. Chirac,
c'est un déçu des systèmes, des théories, des présupposés.
Il a une chance formidable: les Français partagent son avis.»[...]
On prête à Nicolas
Sarkozy cette glose sur le tempérament
du président de la République : «On
a toujours dit de Jacques Chirac
qu'il était con, gentil
et généreux. C'est
tout le contraire: il est intelligent,
complexe et très intéressé.» Con...
Intelligent... C'est avec maestria
que Chirac a su une fois encore
s'engouffrer dans cette sotte
logomachie qui occupe, depuis
trop longtemps, tant de beaux
et faux esprits.
... l'homme qui dit non à Bush
!
Très vite, il a tranché.
Le président était
sûr de lui, de son intuition
d'abord, puis de ses analyses,
de ses convictions et, enfin,
de sa posture. L'homme qui dit
non à la force aveugle,
non à la puissance sourde. «Les
Américains nous prennent
pour des enfants», commence
par s'agacer ce président
qui a grandi. Au ministre des
Affaires. étrangères,
il confie dès septembre
2002: «En Irak, les
Américains cherchent à engager
une révolution de la puissance,
et ils s'en- ferment dans une
logique de la peur. Mais ils
se trompent. Ce qui frappe, ce
n'est pas leur puissance, mais
le vide de cette puissance. Ce
qu'ils n'entendent pas, c'est
que la force seule est vaine.» Et
Chirac qui explique, qui démontre,
qui répète - «Une
faut pas humilier les Arabes,
sinon ce sera l'explosion» -,
qui cherche à convaincre
ses interlocuteurs, y compris «George»,
qu'à l'inverse des hommes
de Bush qui «veulent
imposer au monde leur conception
de la démocratie», la
France elle, entend incarner «le
partage, l'échange, le
dialogue des cultures». «Et
personne n'a le choix, ajoute
aussitôt le président. Sinon,
c'est l'affrontement, le choc
des civilisations.» Il
faut l'entendre sans cesse répéter: «L'excès
de puissance corrode la puissance.»
Entendre Chirac qui se dresse
face à l'Amérique
meurtrie de Bush ? Le premier
réflexe, ici et ailleurs,
fut de sourire. Mais pour qui
se prenait-il, le «rescapé de
Fleury-Mérogis» qui,
jusque-là, ne s'était
jamais fait particulièrement
remarquer en raison de la pertinence
de ses avis diplomatico-stratégiques
? Pour un homme d'Etat, précisément,
recuit d'expériences,
de connaissances, de dialogues
depuis près de quatre
décennies. «Le
président, tout le monde
le connaît, partout, insiste
Villepin. Quand sa voix s'élève,
elle est entendue partout.» Europe,
Afrique, Asie, Amériques:
ces mondes-là, effectivement,
n'ont plus guère de secrets
pour lui. Il appelle tant de
chefs de gouvernement et de présidents
par leur prénom, au pire
il sait leur nom et n'a pas besoin
de cinq minutes pour les tutoyer
pour fraterniser. L'expérience,
c'est aussi ça, cette
convivialité matoise et égalitaire
doublée d'une longue familiarité avec
les dossiers: «Quand
il prenait le train pour la Corrèze, se
souvient son ancien directeur
de cabinet à la Mairie
de Paris, Michel Roussin,
il emportait des paquets de dépêches
sur l'international, il en faisait
son miel.» Cette étrange
abeille n'a donc jamais cessé de
butiner l'étranger.
Dans le match des «grands»,
ce n'est pas rien. «En
s'appuyant sur cet acquis colossal,
nous avons pu prendre des initiatives
dans le dossier irakien», précise
Villepin. Il faut convenir que
le duo Chirac-Villepin réussit
sur le dossier irakien un travail
d'orfèvrerie diplomatique,
avec pour principe d'avoir toujours
un coup d'avance sur l'ami américain.
Voilà qui exaspère
Bush et les siens. Le pays de
l'image, nargué par une
petite maison de production indépendante,
la France, résistance-et-compagnie,
bientôt rejointe par des
poussières de mini-Etats
et même des grands, Chine,
Russie, comme une coalition de
mauvaises volontés, une
coalition de paix plutôt,
avec une ardeur, un style, on
dirait une âme. Du super-Chirac,
convenons-en.
Chirac conceptuel ! Le contre-emploi
est saisissant. Chirac le politicien
avance avec des convictions chevillées à l'esprit.
A ses côtés, Villepin
ajoute la flamme, le feu qui
donne des lumières dans
les mots et éclaire le
chemin, fût-il tortueux.
Au commencement de la diplomatie était
le verbe qui peut faire taire
les canons. Explications du ministre
des Affaires étrangères,
convaincu, lui, depuis si longtemps
des possibilités de son «grand
homme»: «Nous
nous sommes dotés d'un
corps de doctrine, d'une vision
du monde différente de
celle des Américains.
Nous avons compris les premiers
que, face à la vulnérabilité du
monde, il n'y avait aucune autre
alternative que la solidarité internationale.
Au moment précis où les
Etats-Unis évoluaient
vers la crispation, la France
revenait, elle, à la justice,
au droit. Le président
a été contraint
de faire cet étrange constate:
les Américains ne sont
plus dans la liberté et
dans l'optimisme. Ils refusent
la dialectique du temps court
et du temps long, alors qu'il
n'existe aucun raccourci, jamais,
aucune échappatoire. Voilà pourquoi
ils ont le vertige.» Et
Chirac qui ne vacille pas.
Il est vrai que le président
a disposé du temps nécessaire
pour se préparer. Cinq
ans d'isolement dans le palais-tombeau.
Cinq années où il
a réfléchi, dixit
Villepin, «à la
place de la France dans le monde». Un
exil intérieur qu'il mettra à profit
pour modeler une pensée
et peaufiner des méthodes.
Qu'il semble loin, le temps où Chirac
l'agité inquiétait
ses pairs ! Aujourd'hui, ceux-là remarquent
son «audace» et
son «panache», reconnaissent
volontiers «qu'il a
passé l'âge de se
laisser intimider», que
le président français «maîtrise,
lui, la diversité du monde», manière
indirecte de railler Bush et
ses cow-boys du Texas. Ah, super-Chirac...
déjà statufié par
ses thuriféraires sur «son
socle de convictions comme sur
un socle de lumière». Des
convictions ? Au moins a-t-il
saisi que l'économie ne
fait pas le magistère
et que les intérêts
français ne seront pas
nécessairement desservis
par une ambition planétaire [...].
Personne ne soupçonne
plus le président de ce
pays recru d'histoire de se battre
pour le pétrole (en Irak)
ou le cacao (en Côte-d'Ivoire).
Si ce lointain successeur de
De Gaulle n'a plus que deux rivaux
français dans le monde,
Zinedine Zidane et, bien sûr,
Tintin, c'est qu'on lui prête
aussi la grâce du désintéressement
et de l'humanisme. Lui qui n'avait
jamais été décoré que
de la Légion d'honneur
et de l'ordre du Grand Condor,
voilà qu'il prend désormais
place sur la liste sacrée
des nobélisables de la
paix, entre le pape Jean Paul
II et la rock star Bono. Sacrée
consécration ! A l'échelle
de la planète, semble
s'être réédité le
miracle français du 21
avril, ce rassemblement autour
d'une conception de l'homme,
du respect de sa diversité,
de l'exigence de son égalité,
de la revendication de sa fraternité.
Comme un salut mondial aux trois
couleurs pour un temps rehaussées,
alors qu'elles étaient
si délavées parles
pluies de l'oubli, de l'abandon,
du laisser-aller. Chirac embrasse
le peuple d'Alger et d'Oran comme
celui d'Avignon ou d'Orléans.
Ce n'est pas seulement du courage,
mais une forme d'amour si étrangère à notre
modernisme occidental qu'on se
pince en se demandant si c'est
tout à fait vrai, si ça
peut durer. «Il aime
le monde, les autres», s'enthousiasme
Villepin, d'un amour le rattachant
au coeur historique de ce vieux
pays qui n'a donné sa
mesure que lorsqu'il battait
au rythme du monde, au rythme
de tous les hommes
(c) Extraits de «Le Sacre. Le roman d'un président» de
Nicolas Domenach et Maurice Szafran, Pion, 289 p., 19 ?.
Lundi 17 Mars 2003 - 00:00 Thomas Vallières
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