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Le Phare- 24/09/2004

Vous avez dit évaluation ? Les petites phrases choc de Yezu Kitenge

Par Kgm

L'évaluation de la Transition en RDC, à la faveur du massacre de 160 Tutsi congolais à Gatumba au Burundi, ne concerne pas que les institutions et leurs animateurs. La question se pose aussi et surtout au sein des partis et formations politiques qui ont entrepris de scruter l'horizon à neuf mois de la fin de la Transition. Le cas, notamment, du RCD dont le cahier de charges brûlot est à la base de l'effervescence actuelle sur la scène politique congolaise. La situation au sein du RCD est si dramatique qu'on assiste pratiquement à la montée de trois pôles ou courants avec au milieu Azarias Ruberwa et, sur ses flancs, d'un côté l'aile dure constituée de Bizima et ses compagnons et, de l'autre, les ministres et parlementaires frondeurs qui avaient refusé de suivre le mot d'ordre de la suspension de la participation du RCD aux activités des institutions de la Transition. Pour plus de démocratie Député RCD, Yezu Kitenge rejette pourtant cette catégorisation trop simpliste à son goût. " Nous ne sommes pas des moutons qu'on mène où l'on veut ", se confie-t-il au Phare. Dans un entretien à bâtons rompus avec le quotidien de l'avenue Lukusa, il décline sa foi et son espérance. Ainsi pour lui, la guerre, c'est le passé. " Maintenant, il nous faut résolument tourner nos regards vers l'avenir. Il nous faut surtout assumer la responsabilité d'une démarche cohérente et nationaliste pour la conquête de la liberté et de la démocratie dans notre pays. Nous ne pouvons être ni les relais consentants ou involontaires des humeurs rwandaises, ni les complices d'une volonté sournoise de réinstauration de la dictature dans notre pays ", tranche-t-il. Le légendaire "tomatier" est donc de retour, n'ayant perdu aucun de ses réflexes de "mauvais garçon" de la Transition Mobutu. Celui dont les petites phrases assassines avaient fait les choux gras de la presse congolaise post Conférence Nationale Souveraine n'a toujours pas sa langue dans sa poche et il le fait savoir. Sans détours ni artifices, regardant ses interlocuteurs droit dans les yeux et prêt à porter la contradiction. Mais Yezu Kitenge n'a pas du tout envie de rire. Surtout pas maintenant, alors que le pays tombe en lambeaux et que le mouvement qui semblait être porteur de l'idéal du changement s'enlise dans ses contradictions internes. "Personne n'a intérêt à fragiliser le président du RCD. En revanche, les fractures récemment enregistrées à la faveur de la décision de la suspension de la participation du RCD aux activités des institutions de la Transition pose la nécessité globale d'une restructuration en profondeur et d'une plus grande démocratisation de notre parti. Les décisions ne peuvent être l'apanage ni d'une seule personne, ni d'un groupe de personnes. S'il y en a parmi nous qui ne vivent pas cette nécessité comme une urgence fondamentale, alors c'est qu'ils ont décidé de mener le parti à sa mort". Diagnostic ou sentence ? Yezu Kitenge ne veut surtout pas être complaisant. "Nous avons une lourde responsabilité", explique-t-il. Avant d'ajouter: "Notamment celle de justifier les espoirs suscités par le RCD en prenant les armes. Fermer les yeux sur ce qui se passe autour de nous et parmi nous voudrait dire se mentir à soi-même et surtout tromper le peuple. C'est dans la mesure où nous exigeons de nous-mêmes la qualité que nous saurons nous poser en modèles sur la scène politique congolaise. La réévaluation doit être une exigence pour nous-mêmes avant de l'être pour les institutions de la Transition et pour le pays tout entier." Naturellement, Yezu Kitenge récuse le qualificatif de frondeur. Précisant sa pensée, il met plutôt le doigt dans la plaie qui démange le Rassemblement Congolais pour la Démocratie. "Notre ambition, c'est de faire du RCD un parti national en le sortant du ghetto dans lequel il s'est enfermé au nom de l'exclusivité Banyamulenge. C'était notre objectif en faisant la guerre. Cela devrait être notre vocation aujourd'hui afin de proposer aux Congolais un projet de société alternatif qui puisse combler leur besoin de liberté, de prospérité et de puissance". Réinventer le 16 février Yezu Kitenge estime donc incontournable l'évaluation de la Transition. Il l'appelle même de tous ses voeux en termes d'urgence et de priorité, tout en restant vigilant sur la méthode et les objectifs. Ainsi pour lui, le RCD doit se mirer lui-même avant de se poser en miroir pour les autres. "L'échec est incontestable" , déclare-t-il. "Mais nous devons en assumer notre part, en tant que RCD. Raison pour laquelle le débat doit avoir lieu au sein du mouvement pour inspirer les ajustements requis à la fois par le contexte et par l'approche de la fin de la Transition".

Autrement dit, pour Yezu Kitenge, la responsabilité de l'échec est partagé, et pas seulement par les Congolais. "La responsabilité de la Communauté internationale est au moins aussi engagée que celle des Congolais pour avoir voulu transformer notre pays en comptoir colonial. Sinon, comment expliquer cette absence de critérium et de profil pour occuper les postes de la Transition ? Tout simplement parce que certains gouvernements occidentaux pensent que le meilleur leadership congolais est celui qui ne discute pas les contrats qui lui sont proposés, et qui ferme les yeux sur toutes les opérations de pillage qui sont organisées par la maffia internationale et ses relais locaux. Voilà pourquoi les Occidentaux n'aiment pas les vrais nationalistes et les jugent même dangereux. De là à inventer des critères tels que "capacité de rassemblement " et " non conflictualité " il n'y a qu'un pas. " Pourtant, personne n'est jusqu'ici parvenu à nous convaincre que tous ceux qui sont aujourd'hui aux affaires sont représentatifs des aspirations des Congolais. Voilà la supercherie. Voilà l'imposture !". Yezu Kitenge s'emporte, fâché à l'idée que des personnalités qui représentent réellement une chance pour le Congo à l'instar d'Etienne Tshisekedi soient celles qui sont combattues par l'Occident donneur de leçons hypocrites de bonne gouvernance. C'est encore lui qui trouve l'explication : "Tout simplement parce qu'il y a des sociétés de type colonial qui veulent continuer de piller notre pays sans qu'un véritable Congolais leur demande des comptes". Accusation gravissime. Mais Yezu Kitenge assume : "Au stade où nous sommes arrivés", déclare-t-il, "nous n'avons pas le droit d'être naïfs ou complaisants".Que faire alors pour s'en sortir ? Bien placé pour savoir comment le régime de la IIème République avait vacillé, "Jésus" comme on l'appelle affectueusement n'a qu'une seule réponse : "Le peuple doit prendre ses responsabilités et les vrais leaders assumer les leurs. La Communauté internationale ne fera que nous endormir à travers des formules alambiquées, question de reconduire à l'infini le bail de ses chefs de comptoirs". Très dur, le député RCD précise : "Les 3 et 4 juin n'ont été que de pâles échantillons, où la manipulation n'a pas manqué avec des caméras prêtes à filmer sortis de nulle part, comme par hasard. Pour moi, le remède à l'imbroglio actuel, c'est une puissante expression populaire, un véritable référendum du genre 16 février". Conclusion amère ou clin d'oil à un avenir qui reste à inventer ? Colère et mystère. Kgm

       

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