En s’accrochant à la date du 30 juin 2005

E. Tshisekedi place la barre haut

Par  Le Potentiel, 04.04.05

 

 

 

L’Udps se veut intransigeante sur la date du 30 juin 2005 comme fin de la transition. Le président national de l’Udps, Etienne Tshisekedi, l’a réitéré avec force samedi passé à l’ouverture de la session extraordinaire du Comité national de son parti. Ce qui, pour d’aucuns, constitue ni plus ni moins des enchères montées par le sphinx de Limete dans la perspective de futures négociations politiques.

La session extraordinaire du Comité national de l’Udps a démarré le samedi 2 avril 2005 sur des chapeaux de roue. La 8ème rue Limete, qui abrite l’Université Bel Campus, été prise d’assaut par des milliers de combattants de l’Udps venus suivre le message de leur président national Etienne Tshisekedi wa Mulumba à l’occasion de ces assises importantes de la direction de leur parti. Le message a porté sur la doctrine de l’Udps et le contexte politique du moment.

L’ambiance dans l’amphithéâtre de l’Université Bel campus , autrement désigné "solarium ", a été des plus fébriles. Des slogans hostiles au pouvoir en place fusaient de partout et se confondaient avec des éloges au sphinx de Limete. Aux premières loges, on a remarqué la présence des représentants des partis amis ou alliés à l’Udps, notamment le Rcd .Un invité surprise : Vital Kamerhe, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (Pprd).

L’ambiance a atteint son point d’orgue lorsque le lider maximo a, dans son allocution de circonstance, annoncé à l’assistance que la durée de la transition est de 24 mois. Il a affirmé, sans ambages, que celle-ci devra prendre fin le 30 juin 2005 à minuit. Selon lui, aucun sursis ne devrait être accordé au leadership actuel de la transition et que la disposition relative à la prolongation de celle- ci tombait caduque du moment que le peuple s’est exprimé là-dessus le

10 janvier dernier. A l’en croire, l’ensemble des institutions de la transition cesseront donc d’office d’exister et leurs animateurs perdront automatiquement leur mandat le 30 juin 2005.

LA BARRE TRÈS HAUT

Etienne Tshisekedi est convaincu qu’il n’y aura pas de vide juridique après le 30 juin prochain. Un leadership de sauvetage  sera mis en place pour la poursuite du processus jusqu’aux élections. Ce leadership, selon l’entendement du président national de l’Udps, devra recourir aux résolutions de la Conférence nationale souveraine (Cns) qui n’ont jamais été mises en application à cause de l’intervention de Laurent-Désiré Kabila et de son Afdl. Pour Tshisekedi, Laurent-Désiré Kabila et l’ Afdl ont perturbé un ordre politique légitime accepté tant par l’ensemble du peuple congolais que par la communauté internationale. Cette perturbation a été ensuite marquée par une guerre de 5 ans qui a causé la mort de plus de 3 millions de Congolais.

Raison pour laquelle Etienne Tshisekedi déclare que la parenthèse ouverte le 17 mai 1997 devra se refermer le 30 juin 2005. Consacrant ipso facto la « mort de la formule 1+ 4 ». Ce qui permettra à l’ordre instauré par la Cns de reprendre son cours normal à cette date.

Or, revenir à la Cns, signifie également remettre en selle le Premier ministre élu par les Congolais réunis en conférence nationale en son temps. Un premier ministre considéré comme chef du Gouvernement , seul responsable de l’action de l’exécutif devant le parlement et qui n’était autre que Etienne Tshisekedi. Il vient donc de placer la barre très haut.

NÉGOCIER AVEC L’OPPOSITION POLITIQUE

Etienne Tshisekedi affirme ainsi le déficit du leadership actuel de la transition. Il lève un pan de voile sur « le leadership de sauvetage » qui, pour le moment se révèle être le recours au schéma de la Conférence nationale souveraine. C’est ce que pensent déjà certains observateurs de la politique congolaise. Ceux-ci considèrent la récente déclaration du président national de l’Udps comme une manière pour ce dernier de placer la barre très haut en perspective de futures négociations pour une alternative au leadership actuel après le 30 juin 2005. Il invite, en d’autres termes, les principaux animateurs de la transition au pouvoir à négocier ave l’Opposition politique dont il est l’incarnation.

Le fait de s’accrocher à cette date est interprété comme une façon, dans le chef du leader charismatique de l’opposition, de faire monter aussi les enchères et rappeler à ceux qui refusent de voir la réalité en face qu’il demeure jusqu’à preuve du contraire incontournable dans l’aboutissement du processus en cours.

POUR UNE FIN DE TRANSITION APAISÉE

Il y a lieu de se poser des questions sur la logique politique de l’Udps. Dire que la transition s’arrête officiellement le 30 juin à minuit, c’est une chose ; qui s’inscrit dans cette logique d’interprétation des textes et de la " querelle des dates ". Mais recourir au schéma de la Conférence nationale souveraine, en est une autre pour autant que la démarche soulève déjà un débat houleux.

Tout simplement parce que l’ Udps, même si elle ne participe pas dans la gestion de la transition, demeure tout de même signataire de l’Accord global et inclusif. Elle est liée, d’une façon ou d’une autre, à cet accord. Certes, l’Udps a signé cet accord sous réserve.  Pourrait-on déduire à partir de cette déclaration que l’ Udps vient de renier sa signature ? Il y a lieu de se prononcer clairement pour plus de responsabilité politique.

Autre chose. Sur quelle base juridique devrait-on, en ce moment précis, partir pour prétendre à la validité juridique du schéma de la Cns ? Cette interrogation pertinente devrait pousser le gouvernement à négocier avec l’Opposition politique pour une transition apaisée.  En réalité, le Gouvernement a l’obligation morale et politique de faire preuve de réalisme politique pour autant que la situation sociale et économique a réduit considérablement sa marge de manœuvres.

Il est vrai que le peuple congolais a prouvé en son temps sa capacité d’exprimer son ras-le-bol pour interpeller la classe politique congolaise. La réouverture de la Cns, par exemple, a été obtenue, au prix du sang mais, la suite des événements n’a pas compensé le sacrifice consenti.

Dernièrement encore, la population a marché pour dénoncer l’insouciance du leadership actuel de la transition et réclamer l’organisation sans faille des élections. Les forces de l’ordre sont intervenues pour réprimer les manifestants, accordant ainsi un sursis au schéma 1+4. Faut-il s’attendre à une nouvelle action de grande envergure de la part des masses populaires ? C’est là le hic.

Va-t-on, le 30 juin 2005, vivre une action politique populaire en Rdc à l’image de ce qui s’est passé en Ukraine ou au Kirghistan ?  Comparaison n’est pas raison, dit-on. Tout le monde a horreur du vide. Et l’Udps n’a pas encore démontré, de manière concrète, comment va s’opérer le passage vers le nouvel ordre politique incarné par le schéma de la Cns. Nombreux sont ceux qui attendaient qu’au cours de cette rencontre de samedi le président national de l’Udps dévoile les grandes lignes du  « leadership de sauvetage »

pour mobiliser les énergies nécessaires. Peut-être en sera-t-il le cas lors de la clôture de ces travaux dès que les principaux dirigeants de l’Udps auront enrichi le contenu de ce concept.

En attendant, le réalisme voudrait que l’on pense déjà à l’amorce des négociations politiques pour une traversée pacifique de cette date fatidique du 30 juin 2005. Car, quoique l’on dise, Tshisekedi qui marque une fois de plus sa rentrée politique, vient de placer la barre haut.