TRANSITION :  Un nouveau slogan

«On voyage à ses propres frais»

 

 

 

 

 22 Mars 2005

Ø      Les explications du gouvernement ne sont pas convaincantes.

Ø      Les seigneurs de guerre seuls peuvent se le permettre.

Ø      D'où proviennent ces fortunes colossales pour des si maigres résultats ?

Dépenses ostentatoires de l'Etat provoquées notamment par les missions à l'intérieur et à l'extérieur du pays par les membres de l'espace présidentiel, du gouvernement, du Parlement  et des Institutions d'appui à la démocratie. Tel a été le verdict du gouverneur de la BCC,  M.  Jean Claude Masangu Mulongo, en réplique à ''la provocation'' du Vice-président Jean Pierre Bemba, accusant l'institut d'émission de favoriser la mégestion des finances publiques. Concrètement : 19 milliards de déficit structurel  pour la BCC contre 29 milliards de déficit de l'Etat, pour l'exercice 2004.

Entre-temps, les missions à travers le monde continuent, tant et  si bien que trois membres de l'espace présidentiel viennent ''d'embarquer'' dans leurs tournées américano-euro-asiatique, malgré les dénonciations publiques, malgré toutes les rumeurs publiques qui circulent autour des missions, de nouveaux milliards des Fc. Des milliards dépensés sans compter : le président Joseph Kabila est en visite de 13 jours aux pays du soleil levant. Ce sont le Japon, la Corée du Sud et la Chine Populaire. Le Vice-président Azarias Ruberwa n'a pas fini de flirter avec les Etats-Unis d'Amérique, où il s'y rend tous les trois  ou quatre  mois. Allez-y comprendre quelque chose !...  Le Vice-président Jean Pierre Bemba qui vient de rentrer d'un voyage de l'Inde sur ''fonds propres'' ou à  ''ses frais'', a repris l'avion pour Londres d'abord et Brasilia, au Brésil… ensuite.

Les explications du gouvernement ne sont pas convaincantes

Au plus fort de la gué-guerre entre le gouvernement et la Banque centrale du Congo, le ministre du Budget avait sorti la grosse artillerie pour couper court aux commentaires malveillants sur la mission qu'effectuait alors en Inde, M. Jean Pierre Bemba. Le MLC François Mwamba a révélé sur la chaîne publique que le Vice-président en charge de l'Ecofin avait effectué ce voyage ''à ses frais'' ou sur ''fonds propres''. Explications peu convaincantes, parce qu'incomplètes et peu familières. Faute de mieux éclairer la lanterne de l'opinion, le ministre Mwamba a créé la confusion dans l'esprit de la majorité des Congolais. C'est comme qui dirait il a jeté la poudre aux yeux  des Congolais !...

Récemment, intervenant sur les antennes de la RTNC, le ministre Mova et le Vice-ministre Mbuinga ont dit que ''le président Kabila voyage à ses frais, comme l'a fait le Vice-président Jean Pierre Bemba, pour sa mission en Inde''. Le ministre du Budget, toujours lui, a confirmé l'information, en s'appuyant sur le dossier de cette mission ''voyage à ses frais''.

Je sais que chaque institution dispose d'un montant lui alloué pour le compte ''frais de mission''. A chaque institution d'utiliser rationnellement ces frais, jusqu'à la fin de l'exercice budgétaire. Au niveau de l'espace présidentiel, le président de la République et chaque Vice-président disposent, chacun en ce qui le concerne, dans le cadre de son budget, d'une rubrique ''frais de mission''. Au risque de tomber en annulation à la fin de chaque exercice budgétaire, ces frais de mission doivent être impérativement utilisés. Mais, dans le cas d'espèce, s'agit-il des frais de mission logés dans la rubrique budgétaire susdite, de la dotation présidentielle ou plutôt des avoirs privés ?...

Des cas peu probables et peu communs

Pour quel objectif et dans quel intérêt, un homme politique en mission de service utiliserait-il ses émoluments ou ses fonds privés, pour financer tous les frais relatifs au voyage et au séjour dans des pays hôtes ? Quelles que soient la nature, la finalité et les retombées éventuelles de la mission, dans quel intérêt Jean Pierre Bemba aurait-il financé personnellement son séjour en Inde ? De même, pour quel intérêt personnel, le président Kabila aurait-il accepté de recourir à des frais propres privés, pour un voyage de 13 jours en Asie de l'Est ? Me Azarias Ruberwa, dont on dit qu'il aurait des atomes crochus avec des parrains américains qui soutiennent sa vision du Congo post électoral, réfléchirait par deux fois, avant de financer en privée une mission officielle. Le Président et les Vice-président de la République seraient-ils devenus subitement des Saint Nicolas ? La ''Caritas'' ? L'Armée du Salut ? Bien plus, à l'issue de la mission, chercheraient-ils à se faire rembourser par le Trésor public? Un tel engagement financier serait-il simplement inscrit, s'il existait, au compte pertes et profits ? L'ancien président Joseph Kasa-Vubu, dont on salue le patriotisme et l'intégrité morale, n'a jamais posé un tel acte. Il était  capable de remettre le reliquat de ses frais de mission non utilisés au compte du Trésor public. Pas plus. Car un droit demeure un droit.

 

Seuls les Seigneurs de guerre peuvent se le permettre

Si les membres de l'espace présidentiel, notamment les ex-Seigneurs de guerre, sont capables de financer en ''fonds propres'' leurs missions à l'étranger, en prenant en charge les frais d'hôtellerie, de restauration, de lingerie, des réceptions, des titres de voyage, etc., ils pourraient logiquement renoncer à leurs émoluments. Tout serait à leur honneur !

Seuls les Seigneurs de guerre peuvent se permettre d'entonner, à chaque mission, le nouveau  peu commun refrain ''je voyage à mes frais''. Plus question pour eux de voyager aux frais de l'Etat pour un Etat en déliquescence, dont la Banque centrale en déficit chronique structurel aurait déjà dû déclarer faillite. Il faut le faire !

 

D'où proviennent ces fortunes colossales ?

Au cas où les trois leaders de l'ex-belligérance en RDC commencent à voyager à ''leurs frais'', sans doute pour avoir épuisé tous les frais relatifs aux missions officielles inscrits au Budget 2004, c'est dire qu'ils viennent de renoncer à vivre du Trésor public comme des sangsues. En clair, la leçon Masangu a porté.

La guerre a enrichi bien de personnes, particulièrement les Seigneurs de guerre et les membres de leur clan politique. Les clans Kabila, Bemba, Ruberwa ont longtemps régné en maîtres sur les contrées qu'ils ont régentées et gouvernées sans partage. Bemba et Ruberwa, particulièrement, continuent à exercer leur dicktat économico-financier dans le Nord de l'Equateur - pour le premier - et dans l'Est de la RDC - pour le second. Les régies financières et les entreprises publiques des anciens territoires ''occupés'' continuent à garder par devers elles les finances publiques qu'ils devraient logiquement verser au compte du Trésor public. Quelle est la hauteur du Budget qu'ils ont versé au compte de la Banque centrale, au 30 juin 2003, à l'investiture du gouvernement d'Union nationale ?... Pas un rond. Ils gardent tout pour eux. Impunément.

Dernièrement, les rébellions des éléments de l'ex-ANC/RCD, la guerre de Kanyabayonga, Bukavu… toutes ces récentes guerres du Kivu ont permis d'enrichir davantage des Seigneurs de guerre, toujours les mêmes, bien qu'ils soient aujourd'hui au pouvoir. Que des milliards de Fc volés en fumée, avec de faux affrètements d'avions pour le transport des troupes ! Jean Pierre Bemba, bien qu'il tente de jouer au ''Monsieur propre'', a été cité pourtant parmi ceux qui ont profité de l'aubaine guerrière offerte par Nkundabatware et Mutebusi, pour siffler quelques 12 milliards de Fc. Le Vice-président de l'Ecofin se serait fait payer cash, sur le compte Trésor public, le transport aérien des troupes des ex-combattants MLC, de Gemena ou Gbadolite jusqu'à front.

Conséquences : des partis alimentaires

Missions à répétition, détournements des finances publiques, etc. Tout est entrepris par des individus sans foi ni loi qui s'affublent pourtant du titre d'hommes politiques ou d'hommes d'Etat. Les uns et les autres continuent à s'enrichir scandaleusement sur le dos de l'Etat qui risque la banqueroute. Malheur alors à ceux des candidats à l'élection présidentielle ou à la députation qui n'ont pas fait la guerre et qui ne peuvent compter que sur leurs maigres salaires, pour affronter demain le verdict des urnes.

Où trouveront-ils les moyens matériels et financiers nécessaires, pour battre campagne et s'assurer des suffrages des électeurs. On comprend que naissent ici et là des partis politiques dits ''alimentaires'', parce que leurs leaders n'ont que leur vision et leur discours politiques… mais sans le sou, les gros moyens dont disposent les Seigneurs de guerre.

Ceux qui aujourd'hui, à l'instar des membres de l'espace présidentiel, peuvent ''voyager à leurs propres frais'' pour des missions officielles, devront demain mieux éclairer la lanterne du contribuable et du paysan… sur ce refrain subitement à la mode. Sinon ''ouste'' ! Car le peuple veille, tous yeux et toutes oreilles.

Bondo Nsama

 

 

  Congoindépendant