LA UNE

On en parle dans les chancelleries occidentales

Un Premier ministre pour Kabila

Par  Le Potentiel

Edition 3368 du Mardi 08 Mars 2005

La « guerre des dates » se poursuit. Les interprétations sélectives se multiplient sur le « délai constitutionnel ». Au fond, c’est l’organisation des élections qui intéresse la population qui veut être convaincue que la transition, enfin, arrivera à son terme. Les partenaires extérieurs ne demeurent pas inactifs. Ils tiennent à la mise en place, dans les délais prévus, des institutions de la IIIè République afin de réhabiliter l’Etat Congolais. Mais avec quelle équipe ? Celle de la présente architecture déjà décriée ou une autre née de nouvelles négociations ? La question taraude tous les esprits. Et de plus en plus, l’idée de la nomination d’un premier ministre ou d’un coordonnateur de l’exécutif est en train de prendre corps.

Evidemment, tout tourne autour de la date du 30 juin 2005.

L’apocalypse n’est possible qu’au cas où les partisans de la prolongation et de la non prolongation de la transition ne seraient pas parvenus à un compromis.

La question reste celle de savoir quelle serait l’alternative pour autant qu’il faudra à tout prix départager les protagonistes.

Mais surtout comment organiser les élections en s’entourant de toutes les garanties pour rassurer toutes les parties ?

LA DEMISSION DU GOUVERNEMENT

Cette éventualité, le président de la République l’a évoquée lui-même au cours d’un point de presse qu’il a tenu l’année dernière dans les jardins du Palais de la Nation : « Si nous n’arrivons pas à organiser les élections au 30 juin 2005, la logique voudrait que nous démissionnions ».

D’aucuns avaient vu en cette déclaration, la détermination du chef de l’Etat d’organiser les élections pour mettre fin, officiellement, à la transition.

D’ailleurs, au lendemain de cette déclaration, l’Udps ne s’était pas fait prier pour saluer le courage politique du chef de l’Etat d’organiser les élections.

Depuis lors, l’Udps s’accroche à cette idée en affirmant qu’elle est conforme à l’esprit et à la lettre de la Constitution.

Ayant observé certaines gesticulations qui pourraient s’opposer à cette déclaration, le Palu et le Front pour l’organisation des élections avant le 30 juin 2005 ont rejoint l’Udps pour qu’à cette date, les institutions de la IIIè République soient mises en place.

LA CONSTITUTION EST MUETTE

Dans l’hypothèse de cette éventualité, c’est-à-dire la démission du Gouvernement, que se passera-t-il?

C’est la grande interrogation.

L’Udps brandit le schéma de « leadership de sauvetage ».

Elle souligne que si rien n’est fait à cette date pour mettre fin à la transition et ouvrir la porte de la IIIè République, le leadership actuel aura consacré son échec, son impuissance d’atteindre les objectifs de la transition.

Pour l’Udps, le peuple devra se prendre en charge.

Comment ? L’Udps préfère garder le secret, voire elle en fait un mystère. Jusque-là, elle n’a pas voulu levé un seul pan du voile du ‘’ leadership de sauvetage’’.

Il n’empêche dire que l’Udps rêverait d’une « démocratie populaire », à l’image de ce qui s’est passé en Ukraine, en Georgie, et dernièrement au Liban.

Mais les partisans de cette philosophie oublient que comparaison n’est pas raison.

Dans ces pays-là, il existe une vraie élite politique qui ne s’est pas détachée de la population.

Elle est toujours là, au premier plan, à toutes les manifestations publiques à caractère politique.

En plus, dans ces pays, où l’élite galvanise les masses populaires, les structures étatiques ne sont pas aléatoires : elles sont une réalité qui résiste à tout orage politique.

La deuxième hypothèse est celle d’un nouveau gouvernement avec à la tête un Premier ministre.

Cet exécutif devra être présidé par un technocrate, et ne comprendre que de technocrates pour s’occuper uniquement de l’organisation des élections.

Il s’ensuit que la nomination d’un Premier ministre devrait consacrer la fin de la formule « 1 + 4 ».

Or, il se fait que l’article 197 de la Constitution souligne que : « Le Président de la République, les vice-présidents de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat restent en fonction pendant toute la durée de la transition, sans préjudice de l’application des dispositions des articles 66 al. 1, 84 al. 1, 101 al. 2 et 107 al. 2 de la présente Constitution ».

Celle-ci est muette sur la formation d’un nouveau gouvernement. Sauf si l’on active l’article 201 de la Constitution qui stipule : « L’initiative de la révision de la Constitution de la transition appartient concurremment au président de la République sur proposition du gouvernement et à la moitié des Députés ou des Sénateurs. »

Ce qui suppose ni plus ni moins de concertations sinon de nouvelles négociations. Avec toutes les complications que l’on connaît.

UN PREMIER MINISTRE

Peut-on se permettre de croire que le président de la République pourrait s’appuyer sur l’article 201 de la Constitution, si au 30 juin 2005 il devrait être logique avec lui-même ?

C’est-à-dire pousser le gouvernement à la démission si jamais les élections ne sont pas organisées ?

Difficile de répondre à cette interrogation pour l’instant.

Toutefois, il nous revient que dans les chancelleries occidentales, il est envisagé sérieusement la possibilité de nommer un Premier ministre.

Cette idée trouve se force dans cette apathie dont fait montre le gouvernement, otage de la logique des composantes et entités.

Une logique qui fragilise toute l’action gouvernementale et constitue une véritable bombe à retardement.

Or, il est urgent, maintenant ou jamais, d’aller aux élections.

Pour réactiver l’action du gouvernement, la nomination d’un Premier ministre semble s’imposer en toute lucidité dans le cercle des chancelleries occidentales.

D’ailleurs, le « blâme » infligé à William Swing dernièrement à New York « de manquer d’autorité alors qu’il devrait faire preuve de grandes capacités sur tous les fronts », ne constitue nullement un satisfecit.

Les partenaires extérieurs viennent d’élever le ton et se rendent à l’évidence qu’il faut tout mettre en œuvre pour relever le défi de la Rdc.

Comment va-t-on s’y prendre ? Plusieurs possibilités, non exhaustives, d’ailleurs.

Pour ne pas casser l’esprit de consensualité, le Premier ministre pourrait être un des membres du Gouvernement.

Cependant, il faudrait lui conférer certains pouvoirs en vue de l’efficacité de son action.

Les initiateurs de cette démarche étudient en ce moment des voies et moyens susceptibles, si pas de modifier la Constitution, du moins d’amender la loi portant organisation, constitution et fonctionnement du Gouvernement.

Il n’est pas exclu non plus de faire appel à une personnalité neutre et qui n’est pas mêlée dans des scandales financiers, de prédation et dans la rébellion.

La personnalité plébiscitée se chargera de coordonner l’action de l’Exécutif, de donner une nouvelle impulsion aux préparatifs des élections.

Elle aura pour mission d’assurer la régulation de l’Etat en vue de restaurer l’Etat et l’autorité de l’Etat.

Raison pour laquelle elle devra être intègre, compétente et se départir d’ambitions politiques pour la troisième République.

Tout ceci est parti du constat fait par différentes missions étrangères dans notre pays.

Constat émaillé par des rivalités permanentes avec des crises au sommet de l’État.

Crises découlant du fait que les intérêts des composantes supplantaient ceux de l’Etat et de la Nation.

Pour preuve, le cas précis de l’intégration de l’armée ; Le manque de volonté politique, certainement à cause des agendas cachés, freine le processus de réunification de l’Armée.

Les déclarations, enregistrées ici et là et qui auraient choqué certaines personnalités congolaises, ne seraient que le soutien à cette proposition qui fait du chemin et n’attend plus que sa mise en application.

L’OCCIDENT REPREND-T-IL LA MAIN ?

C’est possible pour autant qu’ils étaient les grands artisans de cette formule alambiquée de 1+ 4, porteuse des germes de conflit et de l’échec.

Ils tiennent sûrement à se racheter pour que la transition soit une réussite.

Ils sont réconfortés dans cette conviction par ce manque d’enthousiasme manifeste de la population envers les animateurs de la transition qui ont brillé par une insouciance exécrable à même de conduire à un suicide collectif.

Ils ont décidé de choisir leur camp. Puisque le cadre juridique qui régit la transition a prévu certaines dispositions portant révision de la Constitution, les partenaires extérieurs estiment qu’il faut saisir rapidement cette opportunité pour aller de l’avant.

C’est-à-dire, consacrer des réformes urgentes pour s’ouvrir à des élections honnêtes. Faute de quoi, c’est le désordre en perspective.

Dans l’hypothèse où ils seraient confrontés à une résistance de la part des animateurs de la transition, d’autres alternatives sont envisagées dans l’intérêt supérieur de la Nation et non des privilégiés de la transition. Comprenne qui pourra.