Éthique-Morale

NIGERIA : Obasanjo limoge son ministre de l'éducation accusé de corruption

ABUJA, le 25 mars 2005 (IRIN) - Le président nigérian Olusegun Obasanjo vient de limoger le ministre de l’Education Fabian Osuji accusé d’avoir versé des pots-de-vin au président du Sénat et à six députés pour faire voter le budget annuel surévalué de son ministère.

Olusegun Obasanjo a également vivement critiqué le président du Sénat Adolphous Wabara pour avoir accepté ces pots-de-vin qui entraîneront probablement sa destitution.

Engagé dans une lutte sans merci contre la corruption endémique qui sévit au Nigeria, Obasanjo a annoncé mardi dernier à la télévision nationale que le ministre de l’Education avait détourné 55 millions de naira (410 000 de dollars) des caisses de l’Etat. Le président du Sénat, Wabara, cinq autres sénateurs et des membres de la Commission sur l’éducation de la chambre des représentants auraient ainsi bénéficié des pots-de-vin du ministre.

Dans son allocution télévisée, le président Obasanjo s’est dit indigné de voir Wabara, le troisième personnage de l’Etat, être impliqué dans une sordide affaire de pots-de-vin.

“Un tel comportement va à l’encontre de tous les standards en matière de bonne gouvernance, de leardership, d’intégrité et de crédibilité”, a-t-il déclaré.

Premier producteur de pétrole et pays le plus peuplé du continent africain, le Nigeria est considéré comme l’un des pays les plus corrompus au monde.

Dans un communiqué publié après le discours présidentiel, les membres de la Chambre des représentants ont fait savoir qu’ils partageaient les préoccupations du Président sur la corruption, mais ils se sont montrés plus réservés sur ses condamnations faites à la télévision.

"La lutte contre la corruption ne doit pas être dirigée contre l’assemblée nationale en tant qu’institution", ont indiqué les députés.

Obasanjo a publiquement accusé d’autres personnes d’être mêlées à ce scandale de corruption. Il s’agit notamment de John Azuta Mbata, président de la commission d’approbation du Sénat, de Chris Adighije, président de la commission de l’éducation du Sénat et Shehu Matazu, directeur de la commission de l’éducation à la chambre basse.

Les deux autres sénateurs accusés d’avoir empoché des pots-de-vin sont Badamasi Maccido et Emmanuel Okpede.

Selon Obasanjo, ce sont les enquêteurs de la Commission sur les crimes financiers et économiques (EFCC)  qui ont mis à jour cette arnaque.

L’argent des pots-de-vin “sera conservé et utilisé comme preuve” au cours du procès des personnes accusées de corruption, a ajouté le Président.

En janvier 2003, Obansajo avait limogé son ministre du Travail Hussein Akwanga pour avoir accepté des pots-de-vin de la Sagem, une société française, qui comptait remporter le contrat de fabrication des nouvelles cartes d’identité des 126 millions de Nigérians.

Akwanga et trois autres co-inculpés sont actuellement en liberté provisoire en attendant le verdict de leur procès.

Dans son édition de mercredi dernier, le très influent journal Guardian a révélé que le président du Sénat, Wabara, aurait remis sa démission. Celle-ci serait effective le 5 avril, le jour de la réouverture du parlement après les congés de Pâques.

Le porte-parole de Wabara, Henry Ugbolue, a toutefois démenti ces informations. “Pour autant que je sache, le président du Sénat est toujours en fonction” a-t-il déclaré à IRIN.

Dans un communiqué rendu public le week-end dernier, Wabara avait reconnu avoir organisé en décembre 2004 une rencontre entre le ministre de l’Education et des membres de la commission sur l’éducation pour permettre au ministre de faire approuver le budget de son ministère “dans l’intérêt du secteur de l’éducation”. En revanche, il a tenu à préciser que son initiative ne revêt aucun caractère illégal.

“A aucun moment au cours de cette rencontre, il n’a été question de compensation financière de la part du ministre et à aucun moment le président du sénat n’a demandé au ministre de donner de l’argent à un député”, a indiqué Wabara.

Certains journaux nigérians avaient déjà révélé que des ministres en exercice versaient des pots-de-vin aux députés pour faire approuver sans trop de difficulté le budget de leur ministère.

Le Président a indiqué dans son allocution qu’une enquête serait ouverte pour vérifier ces allégations.

Bien que Obansajo ait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille pendant ses deux mandats, le gouvernement continue à être souvent accusé de corruption.

En 2004, l’index de perception de la corruption de l’organisation non-gouvernementale Transparency international classait le Nigeria en troisième position devant le Bangladesh et Haïti.

Depuis 1999, date à laquelle Obsanjo a été élu à la tête du Nigeria, deux présidents du Sénat ont déjà démissionné pour des faits de corruption mais, jusqu’à présent, aucune accusation n’a été portée contre Evan Enwerem ou son successeur Chuba Okadigbo.

Le sort de Wabara, toutefois, pourrait être bien différent. Dans son discours télévisé, Obasanjo a indiqué qu’un rapport officiel sera transmis à la Commission indépendante chargée de la lutte contre la corruption, seul organe habilité à poursuivre en justice des personnalités accusées de corruption.

Wabara pourrait bientôt être destitué son poste de président du Sénat. Selon Obasanjo, un rapport a déjà était déposé devant les autorités compétentes qui prendront les “mesures qui s’imposent”.

Bien que le Nigeria soit le premier producteur de pétrole en Afrique, 70 pour cent de la population vit avec moins d’un dollar par jour, selon l’indicateur du développement humain des Nations Unies.

Le président Olusegun Obasanjo promet de n’épargner personne dans sa croisade contre la corruption. Certains critiques font toutefois remarquer qu’aucun membre du gouvernement n’a encore été accusé de corruption, malgré des signes évidents d’aggravation de ce fléau au Nigeria.